La nouvelle a fait le tour des réseaux et de quelques médias, le fondateur de Patagonia a annoncé qu’il prenait sa retraite le 14 septembre et qu’au lieu de vendre son entreprise par peur que son successeur ne respecte pas les valeurs profondes de la marque, il a créé une fiducie et une ONG créées pour l’occasion. Le but ? Dédier tous ses bénéfices annuels (estimés à 100 millions) à la lutte contre le réchauffement climatique.

On peut dire que l’entreprise fait du bruit avec cette nouvelle. Durant mes études de communication, j’ai pu étudier la marque Patagonia pour sa communication plutôt disruptive et ses stratégies marketing toujours très réussies qui font d’elle un modèle de réussite (et en assumant fièrement ses engagements).

Mais maintenant que je suis davantage engagée dans l’écologie, la première chose qui m’est venue à l’esprit en voyant cette annonce c’est : réel engagement ou coup de pub « green » ?

L’histoire de Patagonia et ses valeurs fondamentales

Yvon Chouinard est en fait un passionné d’alpinisme qui, en 1957, trouve que le matériel d’escalade qu’il utilise n’est pas assez solide alors il décide alors de fabriquer son propre matériel, des pitons et mousquetons en acier réutilisables, dans un petit atelier situé dans l’arrière-cour de la maison de ses parents. Il gagne alors sa vie en vendant le matériel qu’il fabrique, depuis le coffre de sa voiture.

C’est en 1972 que la marque décide de remplacer, dans son catalogue, les pitons qui abîment la roche par des coinceurs en aluminium, inventant la « grimpe propre ». On voit apparaître ici le premier engagement de la marque à travers son fondateur : concevoir du matériel qui n’abîme pas l’environnement.

Le fondateur rappel effectivement dans sa récente lettre la première mission de Patagonia qui l’anime :

« À mesure que nous nous sommes rendu compte de l’impact du réchauffement climatique, de la destruction écologique, et de notre contribution à ces phénomènes, nous avons décidé d’utiliser notre entreprise, Patagonia, pour transformer le monde des affaires. Si nous parvenions à faire les choses correctement tout en gagnant assez d’argent pour payer nos factures, nous pourrions influencer consommateurs et entreprises, et peut-être changer le système par la même occasion. »

Les (nombreuses) initiatives de Patagonia pour l’environnement

Patagonia affiche clairement depuis le début sa volonté « d’exister pour sauver notre planète ». Zoom sur quelques initiatives mises en place qui montrent un réel engagement :

Déjà en 1994, l’entreprise avait annoncé renoncer à toute utilisation de coton cultivé avec des pesticides. Elle a également été une des premières entreprises à concevoir des produits à partir de fibres recyclées. Leur premier textile recyclé est la fameuse polaire en laine Synchilla fabriquée à partir de bouteilles… Sprite !

Le fondateur est à l’origine de la création de la célèbre organisation à but non lucratif qui a été lancée en 2002 : 1% for the planet.

Patagonia soutient activement les personnes/mouvements/associations que ce soit financièrement, en équipement avec d’anciennes collections ou à travers leurs propres documentaires. Sur leur site internet, un onglet entier est consacré à leurs actions et un formulaire invitant les associations écologistes de terrain à se faire financer. D’ailleurs, Patagonia invite chaque individu à consulter « Patagonia Action Works » pour nous faire découvrir les événements, les pétitions et les besoins en bénévolat qualifié près de nous et à faire des dons pour soutenir des causes locales.

Une transparence exemplaire : sur le site chaque matière a sa propre page avec le détail de sa provenance, traçabilité, etc… De plus un détail de leur empreinte est disponible avec tout le détail de leur consommation en énergie, en eau, transports, déchets…

Patagonia promeut la durabilité de ses vêtements : « Garantie Absolue » indiquant que l’on peut faire réparer gratuitement (frais d’envoi uniquement) son vêtement et que s’il ne l’est pas, ils trouvent une solution alternative. Et pour aider les personnes et réduire le nombre d’envoi, la marque dispose de la plateforme « Worn Wear » qui a pour but de rallonger la durée de vie de nos équipements grâce à des tutoriels de réparation, des guides d’entretien des produits, et même des ateliers de réparations dans les magasins Patagonia.

Je n’ai pas pu tout citer et en plus la marque ne se repose pas sur ses lauriers : leurs objectifs à courts termes sont assez ambitieux et montrent leur envie de « toujours vouloir mieux faire ».

On peut dire que Patagonia redouble d’efforts pour que ses engagements ne soient pas qu’un simple coup de pub, mais une réelle ambition de faire « différemment » par rapport aux autres marques d’un secteur particulièrement polluant (la mode).

Une communication à l’image de leurs engagements

Côté stratégie de communication et marketing (oui n’oublions pas que mon dada, c’est cette partie !), on peut dire que la marque fonctionne plutôt à contre-courant du capitalisme habituel :

Le storytelling prime, pas les produits

Ce sont rarement les produits de la marque qui sont mis en avant mais plutôt l’aventure/l’histoire d’une personne qui porte la marque. Que ce soit sur leurs réseaux sociaux ou le site internet, on peut retrouver des vidéos ou photos de différentes personnes dans le monde en train de pratiquer un sport par exemple mais pas que ! Des thèmes « food », « activism », « design » sont présents montrant ainsi la diversité de personnes habillées par Patagonia. Le storytelling est une technique très utilisée en communication et prend ici tout son sens quand ce que l’on veut mettre en avant, ce ne sont pas de simple produits à consommer, mais plutôt la conviction de porter une marque qui reflète nos valeurs.

Le boycott du Black Friday

En 2011, au moment du Black Friday (journée tristement célèbre aux États-Unis, mais pas que) Patagonia avait décidé d’acheter une pleine page du New York time avec comme message « N’achetez pas cette veste » (Don’t buy this jacket). L’impact médiatique sera énorme alors que l’annonce ne durera qu’une seule journée et dans un seul média. La marque veut réellement sensibiliser les consommateurs « Laffirmation de Patagonia est claire : nachetez que ce qui est nécessaire, réutilisez les produits au maximum, réparez-les quand cela est possible et recyclez-les dans le cas contraire. »

Un soutien remarquable aux activistes

En 2019, la marque soutient des manifestations pour le climat en fermant ses magasins (en ligne et physiques) et en réalisant une importante campagne publicitaire dans certaines villes et dans tous les magasins du groupe sous la bannière « Facing Extinction ». Aucun produit sur ces images donc, simplement une demande de passage à l’action. D’ailleurs, la marque ne fait que très rarement des apparitions dans l’espace publicitaire public, et quand elle le fait, ce n’est pas pour mettre en avant ses produits.

Malgré tout, être une marque à grande échelle, est-ce vraiment responsable ?

Même si selon le fondateur, il est devenu un « homme d’affaires à contrecœur » et qu’il n’en a d’ailleurs pas le profil : pas vraiment le style costard cravate voyez-vous, il n’a même pas d’ordinateur ni de téléphone portable, il conduit une vieille voiture et n’a certainement pas de maison de luxe. Il y a toujours un « mais ». 

Une production principalement basée en Asie

Une grande partie de la production est faite en Chine même si pour limiter la pollution par le transport des vêtements, la marque a lancé son propre « drop shipping » en permettant directement des productions à différents endroits pour éviter l’avion. D’un point de vue humain, la marque s’engage pour de meilleures conditions de travail dans les usines où sont fabriqués leurs vêtements.

Des matières peu naturelles et polluantes

Même si la marque tente d’améliorer la composition de ses produits, qu’elle fait attention à utiliser du coton bio et des matières naturelles, la plupart sont fabriqués à partir de polyester, une matière plutôt polluante à la fabrication mais aussi à chaque lavage en machine car de microparticules se libèrent et finissent directement dans les océans, mers ou fleuves.

L’exploitation animale « respectueuse » n’existe pas

Les doudounes de Patagonia sont faites à partir de duvets d’oiseaux. Certes ce sont des vêtements techniques, mais c’est vrai qu’on peut se dire qu’une marque engagée pour la planète n’exploite pas les animaux. En 2015, l’association Four Paws avait d’ailleurs dénoncé cette utilisation car issue d’oies vivantes (et donc plumées à vif) et gavées. Bien que Patagonia s’est ensuite séparé de son fournisseur et dispose maintenant d’un plan d’actions pour tracer la provenance de son duvet, je ne suis personnellement pas fan de savoir que la marque exploite les animaux.

Ce nouvel événement médiatique largement organisé en campagne qui est affiché sur tous leurs réseaux sociaux, en page d’accueil de leur site internet et relayé dans de nombreux médias reste « malgré lui » un joli coup de pub qui rend la marque encore « plus cool » et donne donc encore plus envie d’acheter.

Conclusion : Patagonia, une marque au modèle inspirant

Même si rappelons-le : « le meilleur déchet est celui qui n’est pas produit » Patagonia fait preuve d’une très grande implication pour l’environnement et pas seulement pour « verdir son image ». Aucune marque de son ampleur n’a d’ailleurs un tel engagement pour la planète.

Elle est également un modèle en termes de communication responsable par rapport à la taille de l’entreprise. Et même s’il n’y a pas qu’une seule « bonne réponse » en termes de stratégie de communication responsable, chaque projet engagé et entreprise avec une activité responsable peut avoir la sienne pour avoir une meilleure visibilité, même on ne souhaite pas croître comme Patagonia 😉

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